Page:Emile Zola - La Joie de vivre.djvu/164

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cher des nouvelles, et il accepta une goutte de liqueur, pour faire comme tout le monde. Chaque jour, il s’était ainsi présenté, en bon voisin ; car, dès la première visite, Lazare lui ayant signifié qu’il ne le laisserait pas voir la malade, de peur de l’effrayer, le prêtre avait répondu tranquillement qu’il comprenait ça. Il se contentait de dire ses messes à l’intention de cette pauvre demoiselle. Chanteau, en trinquant avec lui, le loua de sa tolérance.

— Vous voyez bien qu’elle s’en est tirée sans orémus.

— Chacun se sauve comme il l’entend, déclara le curé d’un ton sentencieux, en achevant de vider son verre.

Quand le docteur fut parti, Louise voulut monter embrasser Pauline. Celle-ci souffrait encore atrocement, mais il semblait que la souffrance ne comptât plus. Lazare lui criait gaiement de prendre courage ; et il cessait de feindre, il exagérait même le danger passé, en lui racontant qu’il avait cru trois fois la tenir morte entre ses bras. Elle, cependant, ne témoignait pas si haut sa joie d’être sauvée. Mais elle était pénétrée de la douceur de vivre, après avoir eu le courage de s’habituer à la mort. Des attendrissements passaient sur son visage douloureux, elle lui avait serré la main, en murmurant avec un sourire :

— Allons, mon ami, tu ne peux t’échapper : je serai ta femme.

Enfin, la convalescence commença par de grands sommeils. Elle dormait des journées entières, très calmes, l’haleine douce, dans un néant réparateur. La Minouche, qu’on avait chassée de la chambre, aux heures énervées de la maladie, profitait de cette paix pour s’y glisser ; elle sautait légèrement sur le lit, se