Page:Emile Zola - La Joie de vivre.djvu/166

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premiers bouillons. Cette santé qui revenait dans ce corps jeune, était une chose exquise, un renouveau de l’existence, où lui-même se sentait revivre. Puis, l’habitude de la santé l’avait repris, il cessait de s’en réjouir comme d’un bienfait inespéré, depuis que la douleur n’était plus là. Et un hébétement seul lui restait, une détente nerveuse après la lutte, l’idée confuse que le vide de tout recommençait.

Une nuit, Lazare dormait profondément, lorsque Pauline l’entendit s’éveiller avec un soupir d’angoisse. Elle le voyait, à la faible clarté de la veilleuse, la face épouvantée, les yeux élargis d’horreur, les mains jointes dans un geste de supplication. Il balbutiait des mots entrecoupés.

— Mon Dieu !… mon Dieu !

Inquiète, elle s’était penchée vivement.

— Qu’as-tu donc, Lazare ?… Souffres-tu ?

Cette voix le fit tressaillir. On le voyait donc ? Il demeura gêné, ne finit par trouver qu’un mensonge maladroit.

— Mais je n’ai rien… C’est toi qui te plaignais tout à l’heure.

La peur de la mort venait de reparaître dans son sommeil, une peur sans cause, comme sortie du néant lui-même, une peur dont le souffle glacé l’avait éveillé d’un grand frisson. Mon Dieu ! il faudrait mourir un jour ! Cela montait, l’étouffait, tandis que Pauline, qui avait reposé la tête sur l’oreiller, le regardait de son air de compassion maternelle.