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Page:Emile Zola - La Joie de vivre.djvu/256

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tait au ciel, rien n’était moins compliqué ni plus rassurant. Il souriait d’un air entêté, l’idée fixe du salut avait suffi pour remplir son crâne étroit.

À partir de ce jour, Lazare entra presque chaque matin dans le potager du curé. Il s’asseyait sur la vieille pierre, il s’oubliait à le voir cultiver ses légumes, calmé un instant par cette innocence aveugle qui vivait de la mort, sans en avoir le frisson. Pourquoi donc ne redeviendrait-il pas enfant, comme ce vieillard ? Et il y avait, au fond de lui, l’espoir secret de réveiller la foi disparue, dans ces conversations avec un simple d’esprit, dont la tranquille ignorance le ravissait. Lui-même apportait une pipe, tous deux fumaient, en causant des loches qui mangeaient des salades ou du fumier qui coûtait trop cher ; car le prêtre parlait rarement de Dieu, l’ayant réservé pour son salut personnel, dans sa tolérance et son expérience de vieux confesseur. Les autres faisaient leurs affaires, lui faisait la sienne. Après trente années d’avertissements inutiles, il s’en tenait à l’exercice strict de son ministère, avec la charité bien ordonnée du paysan qui commence par lui-même. Ce garçon était très aimable, d’entrer ainsi chaque jour ; et, ne voulant pas le tracasser ni lutter contre les idées de Paris, il préférait l’entretenir de son jardin, interminablement ; tandis que le jeune homme, la tête bourdonnante de paroles inutiles, se croyait parfois près de rentrer dans l’heureux âge d’ignorance, où l’on n’a plus peur.

Mais les matinées se suivaient, Lazare se retrouvait le soir dans sa chambre avec le souvenir de sa mère, sans avoir le courage d’éteindre sa lampe. La foi était morte. Un jour, comme il fumait avec l’abbé Horteur, assis tous les deux sur le banc, ce