Page:Emile Zola - La Joie de vivre.djvu/289

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

danse, puisque le fils Chanteau s’entêtait. Quinze jours se passèrent, les pêcheurs ne l’apercevaient plus sans lui demander si c’était qu’il ne trouvait point d’ouvriers. Et il finit par s’occuper réellement des épis, cédant aussi à sa cousine, qui préférait lui trouver une occupation près d’elle. Mais il s’y remettait sans coup de passion, sa rancune seule contre la mer le soutenait, car il se disait certain de la dompter : elle viendrait lécher les galets de Bonneville comme une bête obéissante.

Une fois encore, Lazare dessina des plans. Il avait calculé de nouveaux angles de résistance, et il doublait les jambes de force. Pourtant, la dépense ne devait pas être très élevée, on utiliserait la plus grande partie des anciens bois. Le charpentier présenta un devis, qui montait à quatre mille francs. Et, devant la faible importance de cette somme, Lazare consentit à ce que Pauline en fit l’avance, persuadé, disait-il, qu’il allait enlever sans peine la subvention du conseil général ; c’était même l’unique façon de rentrer dans les premiers déboursés, car le conseil n’accorderait certainement pas un sou, tant que les épis resteraient en ruine. Ce point de vue de la question l’échauffa un peu, les travaux furent menés bon train. D’ailleurs, il était très occupé, il se rendait à Caen chaque semaine, pour voir le préfet et les conseillers influents. On achevait de poser les charpentes, lorsqu’il obtint enfin qu’un ingénieur serait délégué et ferait un rapport, sur lequel le conseil voterait ensuite la subvention. L’ingénieur demeura tout un jour à Bonneville, un homme charmant qui voulut bien déjeuner chez les Chanteau, après sa promenade à la plage ; ceux-ci évitèrent de lui demander son avis, par discrétion, ne voulant pas l’in-