Page:Emile Zola - La Joie de vivre.djvu/371

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

malade, et elle s’ennuyait tant ! Comme ses deux dernières lettres restaient sans réponse, l’envie irrésistible de partir l’avait prise, une envie où se mêlait le grand désir de revoir Bonneville. Si elle ne l’avait pas prévenu, c’était de peur qu’il ne l’empêchât de se contenter.

— Moi qui me faisais une si bonne fête de vous surprendre tous !

— C’est ridicule ! tu repartiras demain !

Louise, suffoquée par cet accueil, tomba dans les bras de Pauline. Celle-ci, en la voyant maladroite de ses mouvements, la taille épaissie sous la robe, avait pâli encore. Maintenant, elle sentait contre elle ce ventre de femme grosse, elle en avait horreur et pitié. Enfin, elle parvint à vaincre la révolte de sa jalousie, elle fit taire Lazare.

— Pourquoi lui parles-tu si durement ? Embrasse-la… Ma chère, tu as eu raison de venir, si tu penses que tu seras mieux à Bonneville. Tu sais que nous t’aimons tous, n’est-ce pas ?

Loulou hurlait, furieux de ces voix qui troublaient la paix ordinaire de la cour. Minouche, après avoir allongé son nez sur le perron, s’était retirée, en secouant les pattes, comme si elle avait failli se compromettre dans une aventure désagréable. Tout le monde rentra, il fallut que Véronique mît un couvert et recommençât à servir le dîner.

— Comment ! c’est toi, Louisette ! répétait Chanteau, avec des rires inquiets. Tu as voulu surprendre ton monde ?… Moi, j’ai failli en avaler mon vin de travers.

Pourtant, la soirée s’acheva bien. Tous avaient repris leur sang-froid. On évita de rien régler pour les jours suivants. Au moment de monter, l’embarras