Page:Emile Zola - La Joie de vivre.djvu/388

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— Ce n’est plus possible, répétait Louise en haletant, ce n’est plus possible… Je vais mourir…

Madame Bouland s’était décidée à lui donner vingt gouttes de laudanum dans un demi-verre d’eau. Ensuite, elle avait essayé des frictions sur les lombes. La pauvre femme, qui perdait de ses forces, s’abandonnait davantage : elle n’exigeait plus que sa cousine et la bonne sortissent, elle cachait seulement sa nudité sous son peignoir rabattu, dont elle tenait les pans dans ses mains crispées. Mais le court répit amené par les frictions ne dura pas ; et des contractions terribles se déclarèrent.

— Attendons, dit stoïquement madame Bouland. Je ne puis absolument rien. Il faut laisser faire la nature.

Et même elle entama une discussion sur le chloroforme, contre lequel elle avait les répugnances de la vieille école. À l’entendre, les accouchées mouraient comme des mouches, entre les mains des médecins qui employaient cette drogue. La douleur était nécessaire, jamais une femme endormie n’était capable d’un aussi bon travail qu’une femme éveillée.

Pauline avait lu le contraire. Elle ne répondait pas, le cœur noyé de compassion devant le ravage du mal, qui anéantissait peu à peu Louise et faisait de sa grâce, de son charme de blonde délicate, un épouvantable objet de pitié. Et il y avait en elle une colère contre la douleur, un besoin de la supprimer, qui la lui aurait fait combattre comme une ennemie, si elle en avait connu les moyens.

La nuit pourtant s’écoulait, il était près de deux heures. Plusieurs fois, Louise avait parlé de Lazare. On mentait, on lui disait qu’il restait en bas, telle-