Page:Emile Zola - La Joie de vivre.djvu/413

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yeux, elle fut prise d’un de ces grands sommeils réparateurs, qui sont la convalescence des accouchées. On avait ouvert légèrement la fenêtre, pour chasser l’odeur du sang ; et une fraîcheur délicieuse, un souffle de vie montait avec la marée haute. Tous restaient immobiles, las et heureux, devant le lit où elle dormait. Enfin, ils se retirèrent à pas étouffés, en ne laissant près d’elle que madame Bouland.

Le médecin, pourtant, ne partit que vers huit heures. Il avait très faim, Lazare et Pauline eux-mêmes tombaient d’inanition ; et il fallut que Véronique leur fît du café au lait et une omelette. En bas, ils venaient de retrouver Chanteau, oublié de tous, dormant profondément dans son fauteuil. Rien n’avait bougé, la salle était seulement empoisonnée par la fumée âcre de la lampe, qui filait encore. Pauline fit remarquer en riant que la table, où les couverts étaient restés, allait être toute prête. Elle balaya les miettes, elle remit un peu d’ordre. Puis, comme le café au lait se faisait attendre, ils attaquèrent le veau froid, avec des plaisanteries sur le repas interrompu par ces couches terribles. Maintenant que le danger était passé, ils montraient une gaieté de gamins.

— Vous me croirez si vous voulez, répétait Chanteau ravi, mais je dormais sans dormir… J’étais furieux qu’on ne descendît pas me donner des nouvelles, et je n’avais cependant aucune inquiétude, car je rêvais que tout marchait très bien.

Sa joie redoubla, lorsqu’il vit paraître l’abbé Horteur, qui accourait après sa messe. Il le plaisanta violemment.

— Eh bien ! quoi donc ? c’est comme ça que vous me lâchez ?… Les enfants vous font peur ?

Le prêtre, pour se tirer d’embarras, raconta qu’il