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Page:Emile Zola - La Joie de vivre.djvu/415

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XI

Après un mois de mai abominable, les premiers jours de juin furent très chauds. Le vent d’ouest soufflait depuis trois semaines, des tempêtes avaient ravagé les côtes, éventré des falaises, englouti des barques, tué du monde ; et ce grand ciel bleu, cette mer de satin, ces journées tièdes et claires qui luisaient maintenant, prenaient une douceur infinie.

Par cette après-midi superbe, Pauline s’était décidée à rouler sur la terrasse le fauteuil de Chanteau, et à coucher près de lui, au milieu d’une couverture de laine rouge, le petit Paul, âgé déjà de dix-huit mois. Elle était sa marraine, elle gâtait l’enfant autant que le vieillard.

— Le soleil ne va pas te gêner, mon oncle ?

— Non, par exemple ! Il y a si longtemps que je ne l’ai vu !… Et Paul, tu le laisses s’endormir là ?

— Oui, oui, l’air lui fera du bien.

Elle s’était agenouillée sur un coin de la couverture, elle le regardait, vêtu d’une robe blanche, avec ses jambes et ses bras nus qui passaient. Les yeux fermés, il tournait vers le ciel sa petite face rose et immobile.

— C’est vrai, qu’il s’est endormi tout de suite, mur-