Page:Emile Zola - La Joie de vivre.djvu/439

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

— Et moi, crois-tu donc que je m’amuse ?…. Je ne serais pas marié, que je pourrais filer ailleurs, très loin, tenter les aventures. Vingt fois, j’en ai eu l’envie. Mais c’est fini maintenant, me voilà cloué dans ce trou perdu, où je n’ai plus qu’à dormir… Tu m’as achevé, je le sens bien.

— Je t’ai achevé, moi !… Est-ce que je t’ai forcé à m’épouser ? est-ce que tu n’aurais pas dû voir que nous n’étions pas nés l’un pour l’autre ?… C’est ta faute, si notre vie est manquée.

— Oh ! oui, notre vie est manquée, et tu fais tout pour la rendre plus insupportable chaque jour.

À ce moment, bien qu’elle se fût promis de se tenir à l’écart, Pauline, frémissante, les interrompit.

— Taisez-vous, malheureux !… C’est vrai que vous la gâchez à plaisir, cette vie qui pourrait être si bonne. Pourquoi vous exciter ainsi à dire des choses irréparables, dont vous souffrirez ensuite ?… Non, non, taisez-vous, je ne veux pas que ça continue !

Louise était tombée en larmes sur une chaise, pendant que Lazare, violemment secoué, marchait à grands pas.

— Les pleurs ne servent à rien, ma chère, reprit la jeune fille. Tu n’es guère tolérante vraiment, tu as beaucoup de torts… Et toi, mon pauvre ami, est-il possible que tu la bouscules de la sorte ? C’est odieux, je te croyais bon cœur, au moins… Oui, vous êtes tous les deux de grands enfants, également coupables, et qui ne savez quoi faire pour vous torturer. Mais je ne veux pas, entendez-vous ! je ne veux pas des gens tristes autour de moi… Vous allez vous embrasser tout de suite.

Elle tâchait de rire, elle n’avait plus ce commencement de frisson qui l’inquiétait. Il lui restait un