Page:Emile Zola - La Joie de vivre.djvu/447

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finit par dire brutalement, après avoir cherché une phrase pour amortir le coup :

— Cette pauvre Véronique, nous venons de la trouver pendue à un de vos poiriers.

Tous eurent un cri de surprise et d’horreur, le visage pâle sous le petit vent de mort qui passait.

— Mais pourquoi ? s’écria Pauline. Elle n’avait aucun motif, son dîner était même commencé… Mon Dieu ! ce n’est pas au moins parce que je lui ai dit qu’on lui avait fait payer son canard dix sous trop cher !

Le docteur Cazenove arrivait à son tour. Depuis un quart d’heure, il essayait inutilement de la rappeler à la vie, dans la remise, où Martin les avait aidés à la porter. Est-ce qu’on pouvait savoir, avec ces têtes de vieilles bonnes maniaques ! Jamais elle ne s’était consolée de la mort de sa maîtresse.

— Ça n’a pas dû traîner, dit-il. Elle s’est accrochée simplement avec le cordon d’un de ses tabliers de cuisine.

Lazare et Louise, glacés de peur, se taisaient. Alors, Chanteau, après avoir écouté en silence, se révolta tout d’un coup, à la pensée du dîner compromis. Et ce misérable sans pieds ni mains, qu’il fallait coucher et faire manger comme un enfant, ce lamentable reste d’homme dont le peu de vie n’était plus qu’un hurlement de douleur, cria dans une indignation furieuse :

— Faut-il être bête pour se tuer !


FIN.