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Page:Emile Zola - La Joie de vivre.djvu/81

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LA JOIE DE VIVRE.

pour jeter sa guérison aux quatre coins du ciel.

— Oui, oui, nous allons en bourrer la terre… Fichue, leur grande névrose !

Après avoir visité la côte, discuté les emplacements, Lazare décida qu’il installerait son usine à la baie du Trésor. Toutes les conditions s’y trouvaient réunies : plage immense, comme dallée de roches plates, ce qui facilitait la récolte des algues ; charrois plus directs, par la route de Verchemont ; terrains à bon marché, matériaux sous la main, éloignement suffisant, sans être excessif. Et Pauline plaisantait sur le nom qu’ils avaient donné à la baie autrefois, pour l’or fin de son sable : ils ne croyaient pas si bien dire, un vrai « trésor » maintenant, qu’ils allaient trouver dans la mer. Les débuts furent superbes, heureux achats de vingt mille mètres de lande déserte, autorisation préfectorale obtenue après un retard de deux mois seulement. Enfin, les ouvriers se mirent aux constructions. Boutigny était arrivé, un petit homme rouge d’une trentaine d’années, très commun, qui déplut beaucoup aux Chanteau. Il avait refusé d’habiter Bonneville, ayant découvert à Verchemont, disait-il, une maison très commode ; et la froideur de la famille augmenta, lorsqu’elle apprit qu’il venait d’y installer une femme, quelque fille perdue, amenée sans doute d’un mauvais lieu de Paris. Lazare haussait les épaules, outré de ces idées de province ; elle était très gentille, cette femme, une blonde qui devait avoir du dévouement, pour consentir à s’enterrer dans ce pays de loups ; d’ailleurs, il n’insista pas, à cause de Pauline. Ce qu’on attendait de Boutigny, en somme, c’était une surveillance active, une organisation intelligente du travail. Or, il se montrait merveilleux,