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LA TERRE.

le père, la mère et quatre enfants jetés à la rue, après que les hommes de loi ont eu mangé le bétail, la terre et la maison… Pourtant, voici des années qu’on nous promet la création d’un crédit agricole à des taux raisonnables. Oui ! va-t’en voir s’ils viennent !… Et ça dégoûte même les bons travailleurs, ils en arrivent à se tâter, avant de faire un enfant à leurs femmes. Merci ! une bouche de plus, un meurt-la-faim qui serait désespéré de naître ! Quand il n’y a pas de pain pour tous, on ne fait plus d’enfants, et la nation crève !

M. de Chédeville, décidément réconforté, risqua un sourire inquiet, en murmurant :

— Vous ne voyez pas les choses en beau.

— C’est vrai, il y a des jours où je flanquerais tout en l’air, répondit gaiement Hourdequin. Aussi voilà trente ans que les embêtements durent !… Je ne sais pas pourquoi je me suis entêté, j’aurais dû bazarder la ferme et faire autre chose. L’habitude sans doute, et puis l’espoir que ça changera, et puis la passion, pourquoi ne pas le dire ? Cette bougresse de terre, quand elle vous empoigne, elle ne vous lâche plus… Tenez ! regardez sur ce meuble, c’est bête peut-être, mais je suis consolé, lorsque je vois ça.

De sa main tendue, il désignait une coupe en argent, protégée contre les mouches par une mousseline, le prix d’honneur remporté dans un comice agricole. Ces comices, où il triomphait, étaient l’aiguillon de sa vanité, une des causes de son obstination.

Malgré l’évidente lassitude de son convive, il s’attardait à boire son café ; et il versait du cognac dans sa tasse pour la troisième fois, lorsque, ayant tiré sa montre, il se leva en sursaut.

— Fichtre ! deux heures, et moi qui ai une séance du conseil municipal !… Oui, il s’agit d’un chemin. Nous consentons bien à en payer la moitié, mais nous voudrions obtenir une subvention de l’État, pour le reste.

M. de Chédeville avait quitté sa chaise, heureux, délivré.

— Dites donc, je puis vous être utile, je vais vous l’ob-