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LES ROUGON-MACQUART.

— Oh ! de la pratique, rien au fond ! répondit négligemment Hourdequin.

Il fit arrêter devant le cabaret de Macqueron, resté sur la porte avec l’abbé ; et il présenta son adjoint, vêtu d’un vieux paletot graisseux. Mais Cœlina, très propre dans sa robe d’indienne, accourait, poussait en avant sa fille Berthe, la gloire de la famille, habillée en demoiselle, d’une toilette de soie à petites raies mauves. Pendant ce temps, le village, qui semblait mort, comme emparessé par ce beau dimanche, se réveillait sous la surprise de cette visite extraordinaire. Des paysans sortaient un à un, des enfants se risquaient derrière les jupes des mères. Chez Lengaigne surtout, il y avait un remue-ménage, lui allongeant la tête, son rasoir à la main, sa femme Flore s’arrêtant de peser quatre sous de tabac pour coller sa face aux vitres, tous les deux ulcérés, enragés de voir que ces messieurs descendaient à la porte de leur rival. Et, peu à peu, les gens se rapprochaient, des groupes se formaient, Rognes savait déjà d’un bout à l’autre l’événement considérable.

— Monsieur le député, répétait Macqueron très rouge et embarrassé, c’est vraiment un honneur…

Mais M. de Chédeville ne l’écoutait pas, ravi de la jolie mine de Berthe, dont les yeux clairs, aux légers cercles bleuâtres, le regardaient hardiment. Sa mère disait son âge, racontait où elle avait fait ses études, et elle-même, souriante, saluante, invita le monsieur à entrer, s’il daignait.

— Comment donc, ma chère enfant ! s’écria-t-il.

Pendant ce temps, l’abbé Godard, qui s’était emparé de Hourdequin, le suppliait une fois de plus de décider le conseil municipal à voter des fonds, pour que Rognes eût enfin un curé à demeure. Il y revenait tous les six mois, il donnait ses raisons : sa fatigue, ses continuelles querelles avec le village, sans compter l’intérêt du culte.

— Ne me dites pas non ! ajouta-t-il vivement en voyant le fermier faire un geste évasif. Parlez-en toujours, j’attends la réponse.