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II


Un jour de cet été, la vieille Rose, qui avait eu des faiblesses, et dont les jambes n’allaient plus, fit venir sa petite-nièce Palmyre, pour laver la maison. Fouan était sorti rôder à son habitude, autour des cultures ; et, pendant que la misérable, sur les genoux, trempée d’eau, s’épuisait à frotter, l’autre la suivait pas à pas, toutes les deux remâchant les mêmes histoires.

D’abord, il fut question du malheur de Palmyre, que son frère Hilarion battait maintenant. Oui, cet innocent, cet infirme était devenu mauvais ; et, comme il ne connaissait pas sa force, avec ses poings capables de broyer des pierres, elle craignait toujours d’être tuée, quand il l’empoignait. Mais elle ne voulait pas qu’on s’en mêlât, elle renvoyait le monde, arrivant à l’apaiser, dans l’infinie tendresse qu’elle gardait pour lui. L’autre semaine, il y avait eu un scandale dont tout Rognes causait encore, une telle batterie, que les voisins étaient accourus et l’avaient trouvé se livrant sur elle à des abominations.

— Dis, ma fille, demanda Rose pour provoquer ses confidences, c’est donc qu’il voulait te forcer, le brutal ?

Palmyre, cessant de frotter, accroupie dans ses guenilles ruisselantes, se fâcha, sans répondre.

— Est-ce que ça les regardait, les autres ? est-ce qu’ils avaient besoin d’entrer espionner chez nous ?… Nous ne volons personne.

— Dame ! reprit la vieille, pourtant si vous couchez ensemble, comme on le raconte, c’est très mal.

Un instant, la malheureuse resta muette, la face souffrante, les yeux vagues au loin ; puis, cassée de nouveau