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Page:Emile Zola - La Terre.djvu/242

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LES ROUGON-MACQUART.

pas eu plus de plaisir ! Il ne lui en restait qu’une souffrance. Et l’idée de l’autre lui revint, dans le regret inconscient de son désir trompé. Jean, à son côté, la fâchait. Pourquoi avait-elle cédé ? elle ne l’aimait pas, ce vieux ! Il demeurait comme elle immobile, ahuri de l’aventure. Enfin, il eut un geste mécontent, il chercha quelque chose à lui dire, ne trouva rien. Gêné davantage, il prit le parti de l’embrasser ; mais elle se reculait, elle ne voulait plus qu’il la touchât.

— Faut que je m’en aille, murmura-t-il. Toi, reste encore.

Elle ne répondit point, les regards en l’air, perdus dans le ciel.

— N’est-ce pas ? attends cinq minutes, qu’on ne te voie pas reparaître en même temps que moi.

Alors, elle se décida à desserrer les lèvres.

— C’est bon, va-t’en !

Et ce fut tout, il fit claquer son fouet, jura contre ses chevaux, s’en alla à côté de sa voiture, d’un pas alourdi, la tête basse.

Cependant, Buteau s’étonnait d’avoir perdu Françoise derrière les gerbes, et lorsqu’il vit Jean s’éloigner, il eut un soupçon. Sans se confier à Lise, il partit, courbé, en chasseur qui ruse. Puis, d’un élan, il tomba au beau milieu de la paille, au fond du trou. Françoise n’avait point bougé, dans la torpeur qui l’engourdissait, ses yeux vagues toujours en l’air, ses jambes restées nues. Il n’y avait pas à nier, elle ne l’essaya pas.

— Ah ! garce ! ah ! salope ! c’est avec ce gueux que tu couches, et tu me flanques des coups de pied dans le ventre, à moi !… Nom de Dieu ! nous allons bien voir.

Il la tenait déjà, elle lut clairement sur sa face congestionnée qu’il voulait profiter de l’occasion. Pourquoi pas lui, maintenant, puisque l’autre venait d’y passer ? Dès qu’elle sentit de nouveau la brûlure de ses mains, elle fut reprise de sa révolte première. Il était là, et elle ne le regrettait plus, elle ne le voulait plus, sans avoir elle-même conscience des sautes de sa volonté,