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LES ROUGON-MACQUART.

les frissons convulsifs de la vache, dont la situation empirait à vue d’œil.

Lorsque Buteau rentra des champs pour déjeuner, il prit peur à son tour, il parla d’aller chercher Patoir, tout en frémissant à l’idée de l’argent que ça coûterait.

— Un vétérinaire ! dit aigrement la Frimat, pour qu’il te la tue, hein ? Celle au père Saucisse lui a bien claqué sous le nez… Non, vois-tu, je vas crever la bouteille, et je l’irai chercher, moi, ton veau !

— Mais, fit remarquer Françoise, M. Patoir défend de la crever. Il dit que ça aide, l’eau dont elle est pleine.

La Frimat eut un haussement d’épaules exaspéré. Un bel âne, Patoir ! Et, d’un coup de ciseaux, elle fendit la poche. Les eaux ruisselèrent avec un bruit d’écluse, tous s’écartèrent, trop tard, éclaboussés. Un instant, la Coliche souffla plus à l’aise, la vieille femme triompha. Elle avait frotté sa main droite de beurre, elle l’introduisit, tâcha d’aller reconnaître la position du veau ; et elle fouillait là-dedans, sans hâte. Lise et Françoise la regardaient faire, les paupières battantes d’anxiété. Buteau lui-même, qui n’était pas retourné aux champs, attendait, immobile et ne respirant plus.

— Je sens les pieds, murmura-t-elle, mais la tête n’est pas là… Ce n’est guère bon, quand on ne trouve pas la tête…

Elle dut ôter sa main. La Coliche, secouée d’une tranchée violente, poussait si fort, que les pieds parurent. C’était toujours ça, les Buteau eurent un soupir de soulagement : ils croyaient tenir déjà un peu de leur veau, en voyant ces pieds qui passaient ; et, dès lors, ils furent travaillés d’une pensée unique, tirer, pour l’avoir tout de suite, comme s’ils avaient eu peur qu’il ne rentrât et qu’il ne ressortît plus.

— Vaudrait mieux ne pas le bousculer, dit sagement la Frimat. Il finira bien par sortir.

Françoise était de cet avis. Mais Buteau s’agitait, venait toucher les pieds à toutes minutes, en se fâchant de ce