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LES ROUGON-MACQUART.

— Attention ! je tire !

Jésus-Christ venait d’épauler. Seulement, il se contenta de lever la cuisse, et, pan ! il en fit claquer un, d’une telle sonorité, que, terrifié par la détonation, Vimeux s’étala de nouveau. Cette fois, son chapeau noir avait roulé parmi les cailloux. Il le suivit, le ramassa, courut plus fort. Derrière lui, les coups de feu continuaient, pan ! pan ! pan ! sans un arrêt, une vraie fusillade, au milieu de grands rires, qui achevaient de le rendre imbécile. Lancé sur la pente ainsi qu’un insecte sauteur, il était à cent pas déjà, que les échos du vallon répétaient encore la canonnade de Jésus-Christ. Toute la campagne en était pleine, et il y en eut un dernier, formidable, lorsque l’huissier, rapetissé à la taille d’une fourmi, là-bas, disparut dans Rognes. La Trouille, accourue au bruit, se tenait le ventre, par terre, en gloussant comme une poule. Le père Fouan avait retiré sa pipe de la bouche, afin de rire plus à l’aise ! Ah ! ce nom de Dieu de Jésus-Christ ! quel pas grand’chose ! mais bien rigolo tout de même !

La semaine suivante, il fallut cependant que le vieux se décidât à donner sa signature, pour la vente de la terre. M. Baillehache avait un acquéreur, et le plus sage était de suivre son conseil. Il fut donc décidé que le père et le fils iraient à Cloyes, le troisième samedi de septembre, veille de la Saint-Lubin, l’une des deux fêtes de la ville. Justement, le père qui, depuis juillet, avait à toucher chez le percepteur la rente des titres qu’il cachait, comptait profiter du voyage, en égarant son fils au milieu de la fête. On irait et on reviendrait de même, en carrosse dans ses souliers.

Comme Fouan et Jésus-Christ, à la porte de Cloyes, attendaient qu’un train eût passé, debout devant la barrière fermée du passage à niveau, ils furent rejoints par Buteau et Lise, qui arrivaient dans leur carriole. Tout de suite, une querelle éclata entre les deux frères, ils se couvrirent d’injures jusqu’à ce que la barrière fût ouverte ; et même, emporté de l’autre côté, à la descente, par son cheval, Buteau se retournait, la blouse gonflée de vent,