mouchoir pour lui essuyer les souliers. Mais une apparition inattendue les occupa.
— Bon Dieu ! murmura Berthe, elle en a, une robe !… On m’avait bien dit qu’elle était arrivée hier soir, en même temps que le curé.
C’était Suzanne, la fille aux Lengaigne, qui risquait brusquement une réapparition dans son village, après trois ans de folle existence à Paris. Débarquée de la veille, elle avait fait la grasse matinée, laissant sa mère et son frère partir en vendange, se promettant de les y rejoindre plus tard, de tomber parmi les paysans au travail, dans l’éclat de sa toilette, pour les écraser. La sensation, en effet, était extraordinaire, car elle avait mis une robe de soie bleue, dont le bleu riche tuait le bleu du ciel. Sous le grand soleil qui la baignait, se détachant dans le plein air, au milieu du vert jaune des pampres, elle était vraiment cossue, un vrai triomphe. Tout de suite, elle avait parlé et ri très fort, mordu aux grappes, qu’elle élevait en l’air pour se les faire descendre dans la bouche, plaisanté avec Delphin et son frère Victor, qui semblait très fier d’elle, émerveillé la Bécu et sa mère, les mains ballantes d’admiration, les yeux humides. Du reste, cette admiration était partagée par les vendangeurs des plants voisins : le travail se trouvait arrêté, tous la contemplaient, hésitaient à la reconnaître, tellement elle avait forci et embelli. Un laideron autrefois, une fille rudement plaisante à cette heure, sans doute à cause de la façon dont elle ramenait ses petits poils blonds sur son museau. Et une grande considération se dégageait de cet examen curieux, à la voir nippée si chèrement, grasse, avec une gaie figure de prospérité.
Cœlina, un flot de bile au visage, les lèvres pincées, s’oubliait, elle aussi, entre sa fille Berthe et Lequeu.
— En v’là, un chic !… Flore raconte à qui veut l’entendre que sa fille a domestiques et voitures, là-bas. C’est peut-être bien vrai, car faut gagner gros pour s’en coller ainsi sur le corps.
— Oh ! ces riens du tout, dit Lequeu, qui cherchait à