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LES ROUGON-MACQUART.

mais il ne sortit point, il se planta sur sa porte, appelant les voisins qui passaient, ricanant, sanglotant, hurlant son affaire en termes crus. Hein ? c’était rigolo tout de même d’être emmerdé par une petite garce qu’on avait eue pour traînée pendant cinq ans ! Oui, une putain ! et sa femme aussi ! deux fières putains, les deux sœurs, qui se battaient à qui y passerait la première ! Il revenait à ce mensonge, avec des détails ignobles, pour se venger. Lise étant sortie, une querelle atroce s’engagea, il la rossa devant le monde, la renvoya détendue et soulagée, contenté, lui aussi, d’avoir tapé fort. Et il restait sur la porte à guetter la justice, il goguenardait, l’insultait : est-ce qu’elle se faisait foutre en chemin, la justice ? Il ne l’attendait plus, il triomphait.

Ce fut seulement à quatre heures que Vimeux parut avec deux gendarmes. Buteau pâlit, ferma précipitamment la porte de la cour. Peut-être n’avait-il jamais cru qu’on irait jusqu’au bout. La maison tomba à un silence de mort. Insolent cette fois, sous la protection de la force armée, Vimeux frappa des deux poings. Rien ne répondait. Les gendarmes durent s’en mêler, ébranlèrent la vieille porte à coups de crosse. Toute une queue d’hommes, de femmes et d’enfants les avait suivis, Rognes entier était là, dans l’attente du siège annoncé. Et, brusquement, la porte se rouvrit, on aperçut Buteau debout à l’avant de sa voiture, fouettant son cheval, sortant au galop et poussant droit à la foule. Il clamait, au milieu des cris d’effroi :

— Je vas me neyer ! je vas me neyer !

C’était foutu, il parlait d’en finir, de se jeter dans l’Aigre, avec sa voiture, son cheval, tout !

— Gare donc ! je vas me neyer !

Une épouvante avait dispersé les curieux, devant les coups de fouet et le train emporté de la carriole. Mais, comme il la lançait sur la pente, à fracasser les roues, des hommes coururent pour l’arrêter. Cette sacrée tête de pioche était bien capable de faire le plongeon, histoire d’embêter les autres. On le rattrapa, il fallut batailler, sauter à la tête du cheval, monter dans la voiture. Quand on le ramena, il ne soufflait plus un mot, les dents ser-