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LA TERRE.

De nouveau, Jean s’égayait. Mais elle ne riait pas, elle, ayant une peur secrète de ce colosse, qu’elle disait sournois et faux, ainsi que tous les Percherons. Il l’avait menacée de l’étrangler, si elle le trompait. Aussi n’allait-elle plus avec lui qu’en tremblant, malgré le goût qu’elle gardait pour ses gros membres, elle toute fluette qu’il aurait écrasée entre son pouce et ses quatre doigts.

Puis, elle eut un joli haussement d’épaules, comme pour dire qu’elle en avait mangé d’autres. Et elle reprit, souriante :

— Dis, Caporal, ça marchait mieux avec toi, nous étions si d’accord !

Sans le quitter de ses yeux plaisants, elle s’était remise à brasser le blé. Lui, se trouvait reconquis, oubliait son départ de la ferme, son mariage, l’enfant qui allait naître. Il lui saisit les poignets, au fond de la semence ; il remonta le long de ses bras, veloutés de farine, jusqu’à sa gorge d’enfant, que l’abus de l’homme semblait durcir ; et c’était ce qu’elle voulait, depuis qu’elle l’avait aperçu, en haut de la trappe, un regain de sa tendresse d’autrefois, le mauvais plaisir aussi de le reprendre à une autre femme, une femme légitime. Déjà, il l’empoignait, il la renversait sur le tas de blé, pâmée, roucoulante, lorsqu’une haute et maigre figure, celle du berger Soulas, apparut derrière les sacs, toussant violemment et crachant. D’un bond, Jacqueline s’était relevée, tandis que Jean, essoufflé, bégayait :

— Eh bien ! c’est ça, je reviendrai en chercher cinq hectolitres… Oh ! est-il gros ! est-il gros !

Elle, rageuse, regardant le dos du berger qui ne s’en allait pas, murmura, les dents serrées :

— C’est trop à la fin ! Même quand je me crois seule, il est là qui m’embête. Ce que je vais te le faire flanquer dehors !

Jean, refroidi, se hâta de quitter la grange et détacha son cheval, dans la cour, malgré les signes de Jacqueline, qui l’aurait caché au fond de la chambre conjugale, plutôt que de renoncer à son envie. Mais, désireux de s’échapper, il répéta qu’il reviendrait le lendemain. Il partait à pied,