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Page:Emile Zola - La Terre.djvu/63

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LA TERRE.

couches ici, je te donne la nuit pour réfléchir… Allons, c’est fini, n’en causons plus.

Buteau, noyé de ténèbres, ne répondit pas. Les autres approuvèrent bruyamment, tandis que la mère se décidait à allumer une chandelle, pour mettre le couvert.

Et, à cette minute, Jean, qui venait rejoindre son camarade, aperçut deux ombres enlacées, guettant de la route, déserte et noire, ce qu’on faisait chez les Fouan. Dans le ciel d’ardoise, des flocons de neige commençaient à voler, d’une légèreté de plume.

— Oh ! monsieur Jean, dit une voix douce, vous nous avez fait peur !

Alors, il reconnut Françoise, encapuchonnée, avec sa face longue, aux lèvres fortes. Elle se serrait contre sa sœur Lise, la tenait d’un bras à la taille. Les deux sœurs s’adoraient, on les rencontrait toujours de la sorte, au cou l’une de l’autre. Lise, plus grande, l’air agréable, malgré ses gros traits et la bouffissure commençante de toute sa ronde personne, restait réjouie dans son malheur.

— Vous espionnez donc ? demanda-t-il gaiement.

— Dame ! répondit-elle, ça m’intéresse, ce qui se passe là-dedans… Savoir si ça va décider Buteau !

Françoise, d’un geste de caresse, avait emprisonné de son autre bras le ventre enflé de sa sœur.

— S’il est permis, le cochon !… Quand il aura la terre, peut-être qu’il voudra une fille plus riche.

Mais Jean leur donna bon espoir : le partage devait être terminé, on arrangerait le reste. Puis, lorsqu’il leur apprit qu’il mangeait chez les vieux, Françoise dit encore :

— Ah bien ! nous vous reverrons tout à l’heure, nous irons à la veillée.

Il les regarda se perdre dans la nuit. La neige tombait plus épaisse, leurs vêtements confondus se liséraient d’un fin duvet blanc.