à l’ombre d’une sorte de maison religieuse, trésorière de l’Œuvre du Sacrement, pour aider au mariage des filles mères. Octave Mouret, propriétaire des grands magasins Au Bonheur des Dames, dont la fortune colossale grandissait toujours, avait eu, vers la fin de l’hiver, un deuxième enfant de sa femme Denise Baudu, qu’il adorait, bien qu’il recommençât à se déranger un peu. L’abbé Mouret, curé à Saint-Eutrope, au fond d’une gorge marécageuse, s’était cloîtré là avec sa sœur Désirée, dans une grande humilité, refusant tout avancement de son évêque, attendant la mort en saint homme qui repoussait les remèdes, bien qu’il souffrît d’une phtisie commençante. Hélène Mouret vivait très heureuse, très à l’écart, idolâtrée de son nouveau mari, M. Rambaud, dans la petite propriété qu’ils possédaient près de Marseille, au bord de la mer ; et elle n’avait pas eu d’enfant de son second mariage. Pauline Quenu était toujours à Bonneville, à l’autre bout de la France, en face du vaste océan, seule désormais avec le petit Paul, depuis la mort de l’oncle Chanteau, résolue à ne pas se marier, à se donner toute au fils de son cousin Lazare, devenu veuf, parti en Amérique pour faire fortune. Étienne Lantier, de retour à Paris après la grève de Montsou, s’était compromis plus tard dans l’insurrection de la Commune, dont il avait défendu les idées avec emportement ; on l’avait condamné à mort, puis gracié et déporté, de sorte qu’il se trouvait maintenant à Nouméa ; on disait même qu’il s’y était tout de suite marié et qu’il avait un enfant, sans qu’on sût au juste le sexe. Enfin, Jean Macquart, licencié après la semaine sanglante, était revenu se fixer près de Plassans, à Valqueyras, où il avait eu la chance d’épouser une forte fille, Mélanie Vial, la fille unique d’un paysan aisé, dont il faisait valoir la terre ; et sa femme, grosse dès la nuit des noces, accouchée d’un garçon en mai, était grosse encore de deux
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