Page:Emile Zola - Le Docteur Pascal.djvu/137

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hantée par des figures de charme et de bonté, de fins profils de jeunes filles, de sereines beautés de femmes. Toute la passion saignait là, tout le cœur s’ouvrait en envolées tendres. Elles étaient nombreuses, les Jeanne, les Angélique, les Pauline, les Marthe, les Gervaise, les Hélène. D’elles et des autres, même des moins bonnes, même des hommes terribles, les pires de la bande, montait une humanité fraternelle. Et c’était justement ce souffle qu’elle avait senti passer, ce courant de large sympathie qu’il venait de mettre, sous sa leçon précise de savant. Il ne semblait point s’attendrir, il gardait l’attitude impersonnelle du démonstrateur ; mais, au fond de lui, quelle bonté navrée, quelle fièvre de dévouement, quel don de tout son être au bonheur des autres ! Son œuvre entière, si mathématiquement construite, était baignée de cette fraternité douloureuse, jusque dans ses plus saignantes ironies. Ne lui avait-il pas parlé des bêtes, en frère aîné de tous les vivants misérables qui souffrent ? La souffrance l’exaspérait, il n’avait que la colère de son rêve trop haut, il n’était devenu brutal que dans sa haine du factice et du passager, rêvant de travailler, non pour la société polie d’un moment, mais pour l’humanité entière, à toutes les heures graves de son histoire. Peut-être même était-ce cette révolte contre la banalité courante, qui l’avait fait se jeter au défi de l’audace, dans les théories et dans l’application. Et l’œuvre demeurait humaine, débordante du sanglot immense des êtres et des choses.

D’ailleurs, n’était-ce pas la vie ? Il n’y a pas de mal absolu. Jamais un homme n’est mauvais pour tout le monde, il fait toujours le bonheur de quelqu’un ; de sorte que, lorsqu’on ne se met pas à un point de vue unique, on finit par se rendre compte de l’utilité de chaque être. Ceux qui croient à un Dieu doivent se dire que, si leur