Page:Emile Zola - Le Docteur Pascal.djvu/152

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rations ? Son cas était-il plus simplement une manifestation de l’hérédité larvée, ce qui apportait une preuve nouvelle à l’appui de sa théorie du plasma germinatif ? ou bien ne fallait-il voir là que la singularité des ressemblances successives, la brusque apparition d’un ancêtre inconnu, au déclin de sa vie ? Dès ce moment, il n’eut plus de repos, lancé à la trouvaille de son cas, fouillant ses notes, relisant ses livres. Et il s’analysait, épiait la moindre de ses sensations, pour en tirer des faits, sur lesquels il pût se juger. Les jours où son intelligence était plus paresseuse, où il croyait éprouver des phénomènes de vision particuliers, il inclinait à une prédominance de la lésion nerveuse originelle ; tandis que, s’il pensait être pris par les jambes, les pieds lourds et douloureux, il s’imaginait subir l’influence indirecte, de quelque ascendant venu du dehors. Tout s’emmêlait, il arrivait à ne plus se reconnaître, au milieu des troubles imaginaires qui secouaient son organisme éperdu. Et, chaque soir, la conclusion était la même, le même glas sonnait dans son crâne : l’hérédité, l’effrayante hérédité, la peur de devenir fou.

Dans les premiers jours de janvier, Clotilde assista, sans le vouloir, à une scène qui lui serra le cœur. Elle était devant une des fenêtres de la salle, à lire, cachée par le haut dossier de son fauteuil, lorsqu’elle vit entrer Pascal, disparu, cloîtré au fond de sa chambre, depuis la veille. Il tenait, des deux mains, grande ouverte sous ses yeux, une feuille de papier jauni, dans laquelle elle reconnut l’Arbre généalogique. Il était si absorbé, les regards si fixes, qu’elle aurait pu se montrer, sans qu’il la remarquât. Et il étala l’Arbre sur la table, il continua à le considérer longuement, de son air terrifié d’interrogation, peu à peu vaincu et suppliant, les joues mouillées de larmes. Pourquoi, mon Dieu ! l’Arbre ne voulait-il pas lui répondre, lui dire de quel ancêtre il tenait, pour qu’il