Page:Emile Zola - Le Docteur Pascal.djvu/178

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au visage, le renversa, comme un vent sacré. Et il revint s’abattre sur son lit, dans une crise de honte et d’affreux désespoir.

Le lendemain, lorsqu’il se leva, Pascal, brisé par l’insomnie, était résolu. Il prit sa douche de chaque jour, il se sentit raffermi et plus sain. Le parti auquel il venait de s’arrêter, était de forcer Clotilde à engager sa parole. Quand elle aurait accepté formellement d’épouser Ramond, il lui semblait que cette solution irrévocable le soulagerait, lui interdirait toute folie d’espérance. Ce serait une barrière de plus, infranchissable, mise entre elle et lui. Il se trouverait, dès lors, armé contre son désir, et s’il souffrait toujours, ce ne serait que de la souffrance, sans cette crainte horrible de devenir un malhonnête homme, de se relever une nuit, pour l’avoir avant l’autre.

Ce matin-là, lorsqu’il expliqua à la jeune fille qu’elle ne pouvait tarder davantage, qu’elle devait une réponse décisive au brave garçon qui l’attendait depuis si longtemps, elle parut d’abord étonnée. Elle le regardait bien en face, dans les yeux ; et il avait la force de ne pas se troubler, il insistait simplement d’un air un peu chagrin, comme s’il était attristé d’avoir à lui dire ces choses. Enfin, elle eut un faible sourire, elle détourna la tête.

— Alors, maître, tu veux que je te quitte ?

Il ne répondit pas directement.

— Ma chérie, je t’assure que ça devient ridicule. Ramond aurait le droit de se fâcher.

Elle était allée ranger des papiers sur son pupitre. Puis, après un silence :

— C’est drôle, te voilà avec grand-mère et Martine à présent. Elles me persécutent pour que j’en finisse… Je croyais avoir encore quelques jours. Mais, vraiment si vous me poussez tous les trois…