Page:Emile Zola - Le Docteur Pascal.djvu/187

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Ce ne fut pas une chute, la vie glorieuse les soulevait, ils s’appartinrent au milieu d’une allégresse. La grande chambre complice, avec son antique mobilier, s’en trouva comme emplie de lumière. Et il n’y avait plus ni peur, ni souffrances, ni scrupules : ils étaient libres, elle se donnait, en le sachant, en le voulant, et il acceptait le don souverain de son corps, ainsi qu’un bien inestimable que la force de son amour avait gagné. Le lieu, le temps, les âges avaient disparu. Il ne restait que l’immortelle nature, la passion qui possède et qui crée, le bonheur qui veut être. Elle, éblouie et délicieuse, n’eut que le doux cri de sa virginité perdue ; et lui, dans un sanglot de ravissement, l’étreignait toute, la remerciait, sans qu’elle pût comprendre, d’avoir refait de lui un homme.

Pascal et Clotilde restèrent au bras l’un de l’autre, noyés d’une extase, divinement joyeux et triomphants. L’air de la nuit était suave, le silence avait un calme attendri. Des heures, des heures coulèrent, dans cette félicité à goûter leur joie. Tout de suite, elle avait murmuré à son oreille, d’une voix de caresse, des paroles lentes, infinies :

— Maître, oh ! maître, maître…

Et ce mot, qu’elle disait d’habitude, autrefois, prenait à cette heure une signification profonde, s’élargissait et se prolongeait, comme s’il eût exprimé tout le don de son être. Elle le répétait avec une ferveur reconnaissante, en femme qui comprenait et qui se soumettait. N’était-ce pas la mystique vaincue, la réalité consentie, la vie glorifiée, avec l’amour enfin connu et satisfait ?

— Maître, maître, cela vient de loin, il faut que je te dise et me confesse… C’est vrai que j’allais à l’église pour être heureuse. Le malheur était que je ne pouvais pas croire : je voulais trop comprendre, leurs dogmes révoltaient ma raison, leur paradis me semblait une puérilité