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Page:Emile Zola - Le Docteur Pascal.djvu/2

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Un instant encore, il demeura près de l’armoire, lisant la note, sous un rayon doré qui tombait de la fenêtre du milieu. Lui-même, dans cette clarté d’aube, apparaissait, avec sa barbe et ses cheveux de neige, d’une solidité vigoureuse bien qu’il approchât de la soixantaine, la face si fraîche, les traits si fins, les yeux restés limpides, d’une telle enfance, qu’on l’aurait pris, serré dans son veston de velours marron, pour un jeune homme aux boucles poudrées.

— Tiens ! Clotilde, finit-il par dire, tu recopieras cette note. Jamais Ramond ne déchiffrerait ma satanée écriture.

Et il vint poser le papier près de la jeune fille, qui travaillait debout devant un haut pupitre, dans l’embrasure de la fenêtre de droite.

— Bien, maître ! répondit-elle.

Elle ne s’était pas même retournée, tout entière au pastel qu’elle sabrait en ce moment de larges coups de crayon. Près d’elle, dans un vase, fleurissait une tige de roses trémières, d’un violet singulier, zébré de jaune. Mais on voyait nettement le profil de sa petite tête ronde, aux cheveux blonds et coupés court, un exquis et sérieux profil, le front droit, plissé par l’attention, l’œil bleu ciel, le nez fin, le menton ferme. Sa nuque penchée avait surtout une adorable jeunesse, d’une fraîcheur de lait, sous l’or des frisures folles. Dans sa longue blouse noire, elle était très grande, la taille mince, la gorge menue, le corps souple, de cette souplesse allongée des divines figures de la Renaissance. Malgré ses vingt-cinq ans, elle restait enfantine et en paraissait à peine dix-huit.

— Et, reprit le docteur, tu remettras un peu d’ordre dans l’armoire. On ne s’y retrouve plus.

— Bien, maître ! répéta-t-elle sans lever la tête. Tout à l’heure !