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Page:Emile Zola - Le Docteur Pascal.djvu/209

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roi David, c’était lui, et c’était elle, Abisaïg, la Sunamite. Mais ils restaient enveloppés d’une clarté de songe, c’étaient eux divinisés, avec des chevelures, une toute blanche, une toute blonde, qui les couvraient d’un impérial manteau, avec des traits allongés par l’extase, haussés à la béatitude des anges, avec un regard et un sourire d’immortel amour.

— Ah ! chérie, cria-t-il, tu nous fais trop beaux, te voilà encore partie pour le rêve, oui ! tu te souviens, comme aux jours où je te reprochais de mettre là toutes les fleurs chimériques du mystère.

Et, de la main, il montrait les murs, le long desquels s’épanouissait le parterre fantasque des anciens pastels, cette flore incréée, poussée en plein paradis.

Mais elle protestait gaiement.

— Trop beaux ? nous ne pouvons pas être trop beaux ! Je t’assure, c’est ainsi que je nous sens, que je nous vois, et c’est ainsi que nous sommes… Tiens ! regarde, si ce n’est pas la réalité pure.

Elle avait pris la vieille Bible du quinzième siècle, qui était près d’elle, et elle montrait la naïve gravure sur bois.

— Tu vois bien, c’est tout pareil.

Lui, doucement, se mit à rire, devant cette tranquille et extraordinaire affirmation.

— Oh ! tu ris, tu t’arrêtes à des détails de dessin. C’est l’esprit qu’il faut pénétrer… Et regarde les autres gravures, comme c’est bien ça encore ! Je ferai Abraham et Agar, je ferai Ruth et Booz, je les ferai tous, les prophètes, les pasteurs et les rois, à qui les humbles filles, les parentes et les servantes ont donné leur jeunesse. Tous sont beaux et heureux, tu le vois bien.

Alors, ils cessèrent de rire, penchés au-dessus de la Bible antique, dont elle tournait les pages, de ses doigts minces. Et lui, derrière, avait sa barbe blanche mêlée