Page:Emile Zola - Le Docteur Pascal.djvu/222

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forces vitales, s’était élargie encore, lui avait donné la certitude supérieure que la vie se suffisait, était l’unique faiseuse de santé et de force. Et il ne continuait ses visites, avec son tranquille sourire, qu’auprès des malades qui le réclamaient à grands cris et qui se trouvaient miraculeusement soulagés, même lorsqu’il les piquait avec de l’eau claire.

Clotilde, parfois, maintenant, se permettait d’en plaisanter. Elle restait, au fond, la fervente du mystère ; et elle disait gaiement que, s’il faisait ainsi des miracles, c’était qu’il en avait en lui le pouvoir, un vrai bon Dieu ! Mais, alors, il s’égayait à lui retourner la vertu efficace de leurs visites communes, racontant qu’il ne guérissait plus personne quand elle était absente, que c’était elle qui apportait le souffle de l’au-delà, la force inconnue et nécessaire. Ainsi, les gens riches, les bourgeois, où elle ne se permettait pas d’entrer, continuaient à geindre, sans aucun soulagement possible. Et cette dispute tendre les amusait, ils partaient chaque fois comme pour des découvertes nouvelles, ils avaient de bons regards d’intelligence chez les malades. Ah ! cette gueuse de souffrance qui les révoltait, qu’ils allaient seule combattre encore, comme ils étaient heureux, lorsqu’ils la croyaient vaincue ! Ils se sentaient récompensés divinement, quand ils voyaient les sueurs froides se sécher, les bouches hurlantes s’apaiser, les faces mortes reprendre vie. C’était leur amour, décidément, qu’ils promenaient et qui calmait ce petit coin d’humanité souffrante.

— Mourir n’est rien, c’est dans l’ordre, disait souvent Pascal. Mais souffrir, pourquoi ? c’est abominable et stupide !

Une après-midi, le docteur alla, avec la jeune fille, voir un malade au petit village de Sainte-Marthe ; et, comme ils prenaient le chemin de fer, pour ménager