Dès les premières phrases, Pascal comprit que cette lettre anonyme venait de sa mère. La vieille madame Rougon avait dû la dicter, il y entendait jusqu’aux inflexions de sa voix. Mais, après en avoir commencé la lecture dans un soulèvement de colère, il l’acheva pâle et grelottant, saisi de ce frisson qui, désormais, le traversait à chaque heure. La lettre avait raison, elle l’éclairait sur son malaise, lui faisait voir que son remords était d’être vieux, d’être pauvre, et de garder Clotilde. Il se leva, se planta devant une glace, y resta longtemps, les yeux peu à peu obscurcis de pleurs, désespérés de ses rides et de sa barbe blanche. Ce froid mortel qui le glaçait, c’était l’idée que, maintenant, la séparation allait devenir nécessaire, fatale, inévitable. Il la repoussait, il ne pouvait s’imaginer qu’il finirait par l’accepter ; mais elle reviendrait quand même, il ne vivrait plus une minute sans en être assailli, sans être déchiré par ce combat entre son amour et sa raison, jusqu’au soir terrible où il se résignerait, à bout de sang et de larmes. Dans sa lâcheté présente, il frissonnait, rien qu’à la pensée d’avoir un jour ce courage. Et c’était bien la fin, l’irréparable commençait, il prenait peur pour Clotilde, si jeune, et il n’avait plus que le devoir de la sauver de lui.
Alors, hanté par les mots, par les phrases de la lettre, il se tortura d’abord à vouloir se persuader qu’elle ne l’aimait pas, qu’elle avait seulement pour lui de la pitié et de la gratitude. Cela, croyait-il, lui aurait facilité la rupture, s’il était convaincu qu’elle se sacrifiait, et qu’en la gardant davantage, il satisfaisait simplement son monstrueux égoïsme. Mais il eut beau l’étudier, la soumettre à des épreuves, il la trouva toujours aussi tendre, aussi passionnée entre ses bras. Il restait éperdu de ce résultat qui tournait contre le dénouement redouté, en la lui rendant plus chère. Et il s’efforça de se prouver la né-