manuscrits. Oui, Clotilde a l’ordre, quand je ne serai plus, de vous les remettre… Vous fouillerez là-dedans, vous y trouverez peut-être des choses pas trop mauvaises. Si vous en tirez un jour quelque bonne idée, eh bien ! ce sera tant mieux pour tout le monde.
Et il partit de là, il donna son testament scientifique. Il avait la nette conscience de n’avoir été, lui, qu’un pionnier solitaire, un précurseur, ébauchant des théories, tâtonnant dans la pratique, échouant à cause de sa méthode encore barbare. Il rappela son enthousiasme, lorsqu’il avait cru découvrir la panacée universelle, avec ses injections de substance nerveuse, puis ses déconvenues, ses désespoirs, la mort brutale de Lafouasse, la phtisie emportant quand même Valentin, la folie victorieuse reprenant Sarteur et l’étranglant. Aussi s’en allait-il plein de doute, n’ayant plus la foi nécessaire au médecin guérisseur, si amoureux de la vie, qu’il avait fini par mettre en elle son unique croyance, certain qu’elle devait tirer d’elle seule sa santé et sa force. Mais il ne voulait pas fermer l’avenir, il était heureux au contraire de léguer son hypothèse à la jeunesse. Tous les vingt ans, les théories changeaient, il ne restait d’inébranlables que les vérités acquises, sur lesquelles la science continuait à bâtir. Si même il n’avait eu le mérite que d’apporter l’hypothèse d’un moment, son travail ne serait pas perdu, car le progrès était sûrement dans l’effort, dans l’intelligence toujours en marche. Puis, qui savait ? Il avait beau mourir troublé et las, n’ayant point réalisé son espoir avec les piqûres : d’autres ouvriers viendraient, jeunes, ardents, convaincus, qui reprendraient l’idée, l’éclairciraient, l’élargiraient. Et peut-être tout un siècle, tout un monde nouveau partirait de là.
— Ah ! mon cher Ramond, continua-t-il, si l’on revivait une autre vie !… Oui, je recommencerai, je reprendrai mon idée, car j’ai été frappé dernièrement par ce