ensuite, accourait, débordante d’un chagrin bruyant. Elle sanglota devant son fils, elle embrassa Clotilde, qui lui rendit son baiser, comme dans un rêve. Puis, à partir de cet instant, celle-ci, sans sortir de l’accablement où elle s’isolait, sentit bien qu’elle n’était plus seule, au continuel remue-ménage étouffé dont les petits bruits traversaient la chambre. C’était Félicité qui pleurait, qui entrait, qui sortait sur la pointe des pieds, qui mettait de l’ordre, furetait, chuchotait, tombait sur une chaise pour se relever aussitôt. Et, vers neuf heures, elle voulut absolument décider sa petite-fille à manger quelque chose. Deux fois déjà, elle l’avait sermonnée, tout bas. Elle revint lui dire à l’oreille :
— Clotilde, ma chérie, je t’assure que tu as tort… Il faut prendre des forces, jamais tu n’iras jusqu’au bout.
Mais, d’un signe de tête, la jeune femme s’obstinait à refuser.
— Voyons, tu as dû déjeuner à Marseille, au buffet, n’est-ce pas ? et tu n’as rien pris depuis ce moment… Est-ce raisonnable ? Je n’entends pas que tu tombes malade, toi aussi… Martine a du bouillon. Je lui ai dit de faire un potage léger et d’ajouter un poulet… Descends manger un morceau, rien qu’un morceau, pendant que je vais rester là.
Du même signe souffrant, Clotilde refusait toujours. Elle finit par bégayer :
— Laisse-moi, grand’mère, je t’en supplie… Je ne pourrais pas, ça m’étoufferait.
Et elle ne parla plus. Pourtant, elle ne dormait pas, elle avait les yeux grands ouverts, obstinément fixés sur le visage de Pascal. Durant des heures elle ne fit plus un mouvement, droite, rigide, comme absente, là-bas, très loin, avec le mort. À dix heures, elle entendit un bruit : c’était Martine qui remontait la lampe. Vers onze heures,