Page:Emile Zola - Le Docteur Pascal.djvu/375

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pays chimérique, les fleurs de rêve dont la fantaisie folle l’emportait parfois.

Clotilde achevait de ranger les petits anges sur la table, lorsque, précisément, son regard, en se levant, rencontra devant elle le pastel du vieux roi David, la main posée sur l’épaule nue d’Abisaïg, la jeune Sunamite. Et elle, qui ne riait plus, sentit une joie lui monter à la face, dans l’heureux attendrissement qu’elle éprouvait. Comme ils s’aimaient, comme ils rêvaient d’éternité, le jour où elle s’était amusée à ce symbole, orgueilleux et tendre ! Le vieux roi, vêtu somptueusement d’une robe toute droite, lourde de pierreries, portait le bandeau royal sur ses cheveux de neige ; et elle était plus somptueuse encore, rien qu’avec la soie liliale de sa peau, sa taille mince et allongée, sa gorge ronde et menue, ses bras souples, d’une grâce divine. Maintenant, il s’en était allé, il dormait sous la terre, tandis qu’elle, habillée de noir, toute noire, ne montrant rien de sa nudité triomphante, n’avait plus que l’enfant pour exprimer le don tranquille, absolu qu’elle avait fait de sa personne, devant le peuple assemblé, à la pleine lumière du jour.

Doucement, Clotilde finit par s’asseoir près du berceau. Les flèches de soleil s’allongeaient d’un bout de la pièce à l’autre, la chaleur de l’ardente journée s’alourdissait, parmi l’ombre assoupie des volets clos ; et le silence de la maison semblait s’être élargi encore. Elle avait mis à part des petites brassières, elle recousait des cordons, d’une aiguille lente, peu à peu prise d’une songerie, au milieu de cette grande paix chaude qui l’enveloppait, dans l’incendie du dehors. Sa pensée, d’abord, retourna à ses pastels, les exacts et les chimériques, et elle se disait maintenant que toute sa dualité se trouvait dans cette passion de vérité qui la tenait parfois des heures entières devant une fleur, pour la copier avec précision, puis dans son