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Page:Emile Zola - Le Docteur Pascal.djvu/47

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nue, je te défie bien de trouver une volonté réelle, une intention quelconque, en dehors de la vie… Et tout est là, il n’y a, dans le monde, pas d’autre volonté que cette force qui pousse tout à la vie, à une vie de plus en plus développée et supérieure.

Il s’était levé, le geste large, et une telle foi le soulevait, que la jeune fille le regardait, surprise de le trouver si jeune, sous ses cheveux blancs.

— Veux-tu que je te dise mon Credo, à moi, puisque tu m’accuses de ne pas vouloir du tien… Je crois que l’avenir de l’humanité est dans le progrès de la raison par la science. Je crois que la poursuite de la vérité par la science est l’idéal divin que l’homme doit se proposer. Je crois que tout est illusion et vanité, en dehors du trésor des vérités lentement acquises et qui ne se perdront jamais plus. Je crois que la somme de ces vérités, augmentées toujours, finira par donner à l’homme un pouvoir incalculable, et la sérénité, sinon le bonheur… Oui, je crois au triomphe final de la vie.

Et son geste, élargi encore, faisait le tour du vaste horizon, comme pour prendre à témoin cette campagne en flammes, où bouillaient les sèves de toutes les existences.

— Mais le continuel miracle, mon enfant, c’est la vie… Ouvre donc les yeux, regarde !

Elle hocha la tête.

— Je les ouvre, et je ne vois pas tout… C’est toi, maître, qui es un entêté, quand tu ne veux pas admettre qu’il y a, là-bas, un inconnu où tu n’entreras jamais. Oh ! je sais, tu es trop intelligent pour ignorer cela. Seulement, tu ne veux pas en tenir compte, tu mets l’inconnu à part, parce qu’il te gênerait dans tes recherches… Tu as beau me dire d’écarter le mystère, de partir du connu à la conquête de l’inconnu, je ne puis pas, moi ! le mystère tout de suite me réclame et m’inquiète.