Page:Emile Zola - Le Docteur Pascal.djvu/54

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— Ça, c’est la vérité pure ! Et elle le sait, monsieur Pascal, elle dit tous les jours que, sans vous, elle serait à cette heure comme son pauvre frère Valentin.

— Bah ! nous le sauverons également. Il va mieux, Valentin. Je viens de le voir.

Sophie saisit les mains du docteur, de grosses larmes parurent dans ses yeux. Elle ne put que balbutier :

— Oh ! monsieur Pascal !

Comme on l’aimait ! et Clotilde sentait sa tendresse pour lui s’augmenter de toutes ces affections éparses. Ils restèrent là un instant, à causer, dans l’ombre saine des chênes verts. Puis, ils revinrent vers Plassans, ayant encore à faire une visite.

C’était, à l’angle de deux routes, dans un cabaret borgne, blanc des poussières envolées. On venait d’installer, en face, un moulin à vapeur, en utilisant les anciens bâtiments du Paradou, une propriété datant du dernier siècle. Et Lafouasse, le cabaretier, faisait tout de même de petites affaires, grâce aux ouvriers du moulin et aux paysans qui apportaient leur blé. Il avait encore pour clients, le dimanche, les quelques habitants des Artaud, un hameau voisin. Mais la malchance le frappait, il se traînait depuis trois ans, en se plaignant de douleurs, dans lesquelles le docteur avait fini par reconnaître un commencement d’ataxie ; et il s’entêtait pourtant à ne pas prendre de servante, il se tenait aux meubles, servait quand même ses pratiques. Aussi, remis debout après une dizaine de piqûres, criait-il déjà sa guérison partout.

Il était justement sur sa porte, grand et fort, le visage enflammé, sous le flamboiement de ses cheveux rouges.

— Je vous attendais, monsieur Pascal. Vous savez que j’ai pu hier mettre deux pièces de vin en bouteilles, et sans fatigue !

Clotilde resta dehors, sur un banc de pierre, tandis que