Page:Emile Zola - Le Docteur Pascal.djvu/83

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

Sa voix s’était brisée, dans un attendrissement sur lui-même. Il se voyait infirme, il la voyait à son chevet, en sœur de charité ; et, si elle consentait à rester fille, il lui laisserait volontiers sa fortune, pour que son père ne l’eût pas. La terreur qu’il avait de la solitude, le besoin où il serait peut-être bientôt de prendre une garde-malade, le rendaient très touchant.

— Ce serait bien gentil de ta part, et tu n’aurais pas à t’en repentir.

Mais Martine, qui servait le rôti, s’était arrêtée de saisissement ; et la proposition, autour de la table, causait la même surprise. Félicité, la première, approuva, en sentant que ce départ aiderait ses projets. Elle regardait Clotilde, muette encore et comme étourdie ; tandis que le docteur Pascal, très pâle, attendait.

— Oh ! mon frère, mon frère, balbutia la jeune fille, sans trouver d’abord autre chose.

Alors la grand’mère intervint.

— C’est tout ce que tu dis ? Mais c’est très bien, ce que ton frère te propose. S’il craint de prendre Charles maintenant, tu peux toujours y aller, toi ; et, plus tard, tu feras venir le petit… Voyons, voyons, ça s’arrange parfaitement. Ton frère s’adresse à ton cœur… Pascal, n’est-ce pas qu’elle lui doit une bonne réponse ?

Le docteur, d’un effort, était redevenu maître de lui. On sentait pourtant le grand froid qui l’avait glacé. Il parla avec lenteur.

— Je vous répète que Clotilde est très raisonnable et que, si elle doit accepter, elle acceptera.

Dans son bouleversement, la jeune fille eut une révolte.

— Maître, veux-tu donc me renvoyer ?… Certainement, je remercie Maxime. Mais tout quitter, mon Dieu ! quitter tout ce qui m’aime, tout ce que j’ai aimé jusqu’ici !