Page:Emile Zola - Le Docteur Pascal.djvu/97

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— Oui, il dit en chaire des choses qui me bouleversent, il parle contre tout ce que tu m’as appris, et c’est comme si cette science que je te dois, changée en poison, me détruisait… Mon Dieu ! que vais-je devenir ?

— Ma pauvre enfant !… Mais c’est terrible de te dévorer ainsi ! Et, pourtant, je suis encore assez tranquille sur ton compte, car tu es une équilibrée, toi, tu as une bonne petite caboche ronde, nette et solide, comme je te l’ai répété souvent. Tu te calmeras… Mais quel ravage dans les cervelles, si toi, bien portante, tu es troublée ! N’as-tu donc pas la foi ?

Elle se taisait, elle soupira, tandis qu’il ajoutait :

— Certes, au simple point de vue du bonheur, la foi est un solide bâton de voyage, et la marche devient aisée et paisible, quand on a la chance de la posséder.

— Eh ! je ne sais plus ! dit-elle. Il est des jours où je crois, il en est d’autres où je suis avec toi et avec tes livres. C’est toi qui m’as bouleversée, c’est par toi que je souffre. Et toute ma souffrance est là peut-être, dans ma révolte contre toi que j’aime… Non, non ! ne me dis rien, ne me dis pas que je me calmerai. Cela m’irriterait davantage en ce moment… Tu nies le surnaturel. Le mystère, n’est-ce pas ? ce n’est que l’inexpliqué. Même, tu concèdes qu’on ne saura jamais tout ; et, dès lors, l’unique intérêt à vivre est la conquête sans fin sur l’inconnu, l’éternel effort pour savoir davantage… Ah ! j’en sais trop déjà pour croire, tu m’as déjà trop conquise, et il y a des heures où il me semble que je vais en mourir.

Il lui avait pris la main, parmi l’herbe tiède, il la serrait violemment.

— Mais c’est la vie qui te fait peur, petite fille !… Et comme tu as raison de dire que l’unique bonheur est l’effort continu ! car, désormais, le repos dans l’ignorance est impossible. Aucune halte n’est à espérer, aucune