Page:Emile Zola - Le Rêve.djvu/107

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qu’il repartirait vers le vitrail, ainsi qu’il en était venu, sans un coup d’œil en arrière. Pourtant, il prit une résolution désespérée, il se retourna ; et, comme, justement, elle levait la tête, avec son rire malicieux, leurs regards se rencontrèrent, demeurèrent l’un dans l’autre. Ce fut, pour les deux, une grande confusion : ils perdaient contenance, ils n’en seraient jamais sortis, s’il ne s’était produit alors un incident dramatique.

— Oh ! mon Dieu ! cria-t-elle, désolée.

Dans son émotion, la camisole de basin qu’elle rinçait, d’une main inconsciente, venait de lui échapper ; et le ruisseau rapide l’emportait ; et, une minute encore, elle allait disparaître, au coin du mur des Voincourt, sous l’arche voûtée, où s’engouffrait la Chevrote.

Il y eut quelques secondes d’angoisse. Il avait compris, s’était élancé. Mais le courant bondissait sur les cailloux, cette diablesse de camisole courait plus vite que lui. Il se penchait, croyait la saisir, ne prenait qu’une poigne d’écume. Deux fois, il la manqua. Enfin, excité, de l’air brave dont on se jette au péril de sa vie, il entra dans l’eau, il sauva la camisole, juste à l’instant où elle s’abîmait sous terre.

Angélique, qui, jusque-là, avait suivi anxieusement le sauvetage, sentit le rire, le bon rire lui remonter des flancs. Ah ! cette aventure qu’elle avait tant rêvée, cette rencontre au bord d’un