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Page:Emile Zola - Le Rêve.djvu/118

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habituelle. Mais l’attente ne lui suffisait plus, il recommença. Maintenant, il semblait être partout à la fois, dans le Clos-Marie, qu’il emplissait de sa fièvre. Il sortait de derrière chaque tronc d’arbre, il apparaissait au-dessus de chaque touffe de ronces. Comme les ramiers des grands ormes, il devait avoir son logis aux environs, entre deux branches. La Chevrote lui était un prétexte à vivre là, penché au-dessus du courant, où il avait l’air de suivre le vol des nuages. Un jour, elle le vit parmi les ruines du moulin, debout sur la charpente d’un hangar éventré, heureux d’être ainsi monté un peu, dans son regret de ne pouvoir voler jusqu’à son épaule. Un autre jour, elle étouffa un léger cri, en l’apercevant plus haut qu’elle, entre deux fenêtres de la cathédrale, sur la terrasse des chapelles du chœur. Comment avait-il pu atteindre cette galerie, fermée d’une porte dont le bedeau gardait la clef ? Comment, d’autres fois, le retrouva-t-elle en plein ciel, parmi les arcs-boutants de la nef et les pinacles des contreforts ? De ces hauteurs, il plongeait au fond de sa chambre, ainsi que les hirondelles volant à la pointe des clochetons. Jamais elle n’avait eu l’idée de se cacher. Et, dès lors, elle se barricada, et un trouble la prenait, grandissant, à se sentir envahie, à être toujours deux. Si elle n’avait pas de hâte, pourquoi donc son cœur battait-il si fort, comme le bourdon du clocher en plein branle des grandes fêtes ?