Page:Emile Zola - Le Rêve.djvu/133

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broderie, je savais que mademoiselle en avait retrouvé le secret… On en voit encore un assez beau fragment à la sacristie.

Hubert se passionna.

— Oui, oui, il est du quinzième siècle, il a été brodé par une de mes arrière-grand-mères… De l’or nué, ah ! il n’y avait pas de plus beau travail, monsieur. Mais il demandait trop de temps, il coûtait trop cher, puis il exigeait de vraies artistes. Voici deux cents ans que ce travail ne se fait plus… Et si ma fille refuse, vous pouvez y renoncer, car elle seule aujourd’hui est capable de l’entreprendre, et je n’en connais pas d’autre ayant la finesse nécessaire de l’œil et de la main.

Hubertine, depuis qu’on parlait de l’or nué, était devenue respectueuse. Elle ajouta, convaincue :

— En vingt jours, en effet, c’est impossible… Il y faut une patience de fée.

Mais à regarder fixement la sainte, Angélique venait de faire une découverte qui noyait de joie son cœur. Agnès lui ressemblait. En dessinant l’antique statue, Félicien certainement songeait à elle ; et cette pensée qu’elle était ainsi toujours présente, qu’il la revoyait partout, amollissait sa résolution de l’éloigner. Elle leva le front enfin, elle l’aperçut tremblant, les yeux mouillés d’une supplication si ardente, qu’elle fut vaincue. Seulement, par cette malice, cette science naturelle qui