Page:Emile Zola - Le Rêve.djvu/172

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— Mais oui, c’est moi ? répondit-elle gaiement.

Hubertine sourit à son tour.

— En attendant, puisque la maison est belle, nous ferions bien de monter nous habiller.

— Tout de suite, mère… Voici ma corbeille pleine.

Elle acheva d’effeuiller ses roses, qu’elle se réservait de jeter devant Monseigneur. Les pétales pleuvaient de ses doigts minces, la corbeille débordait, légère, odorante. Et elle disparut dans l’étroit escalier de la tourelle, en disant avec un grand rire :

— Vite ! je vais me faire belle comme un astre !

L’après-midi s’avançait. Maintenant, la fièvre active de Beaumont-l’Église s’était apaisée, une attente frémissait dans les rues, prêtes enfin, chuchotantes de voix discrètes. La grosse chaleur avait décru avec le soleil oblique, il ne tombait plus du ciel pâli, entre les maisons resserrées, qu’une ombre tiède et fine, d’une sérénité tendre. Et le recueillement était profond, comme si toute la vieille cité devenait un prolongement de la cathédrale. Seuls, des bruits de voitures montaient de Beaumont-la-Ville, la cité nouvelle, au bord du Ligneul, où beaucoup de fabriques ne chômaient même pas, dédaigneuses de fêter cette antique solennité religieuse.

Dès quatre heures, la grosse cloche de la tour du nord, celle dont le branle remuait la maison