Page:Emile Zola - Le Rêve.djvu/246

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Légende. Mais, le front entre les mains, malgré son effort, elle ne comprenait plus : les miracles la stupéfiaient, elle ne percevait qu’une fuite décolorée de fantômes. Puis, dans son grand lit, après un anéantissement de plomb, une angoisse brusque l’éveillait en sursaut, au milieu des ténèbres. Elle se dressait, éperdue, s’agenouillait parmi les draps rejetés, la sueur aux tempes, toute secouée d’un frisson ; et elle joignait les mains, et elle bégayait : « Mon Dieu, pourquoi m’avez-vous abandonnée ? » Car sa détresse était de se sentir seule, à ces moments, dans l’ombre. Elle avait rêvé de Félicien, elle tremblait de s’habiller, d’aller le rejoindre, sans que personne fût là pour l’en empêcher. C’était la grâce qui se retirait d’elle, Dieu cessait d’être à son entour, le milieu l’abandonnait. Désespérément, elle appelait l’inconnu, elle prêtait l’oreille à l’invisible. Et l’air était vide, plus de voix chuchotantes, plus de frôlements mystérieux. Tout semblait mort : le Clos-Marie, avec la Chevrotte, les saules, les herbes, les ormes de l’Évêché, et la cathédrale elle-même. Rien ne restait des rêves qu’elle avait mis là, le vol blanc des vierges, en s’évanouissant, ne laissait des choses que le sépulcre. Elle en agonisait d’impuissance, désarmée, en chrétienne de la primitive Église que le péché héréditaire terrasse, dès que cesse le secours du surnaturel. Dans le morne silence de ce coin protecteur, elle l’écoutait renaître et hurler,