Page:Emile Zola - Le Rêve.djvu/32

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ils sont morts. Des histoires extraordinaires leur arrivent, des aventures merveilleuses, aussi belles que des romans. Et, après des centaines d’années, lorsqu’on ouvre leurs tombeaux, il s’en échappe des odeurs suaves.

Puis, en face des saints, voici les diables, les diables innombrables. « Ilz vollent souvent aux environs de nous comme mousches et remplissent lair sans nombre. Lair est aussi plein de dyables et de mauvais esperitz, comme le ray du soleil est plein de athomes. Cest pouldre même. » Et la bataille s’engage, éternelle. Toujours les saints sont victorieux, et toujours ils doivent recommencer la victoire. Plus on chasse de diables, plus il en revient. On en compte six mille six cent soixante-six dans le corps d’une seule femme, que Fortunat délivre. Ils s’agitent, ils parlent et crient par la voix des possédés, dont ils secouent les flancs d’une tempête. Ils entrent en eux par le nez, par les oreilles, par la bouche, et ils en sortent avec des rugissements, après des jours d’effroyables luttes. À chaque détour des routes, un possédé se vautre, un saint qui passe livre bataille. Basile, pour sauver un jeune homme, se bat corps à corps. Pendant toute une nuit, Macaire, couché parmi les tombeaux, est assailli et se défend. Les anges eux-mêmes, au chevet des morts, en sont réduits, pour avoir les âmes, à rouer les démons de coups. D’autres fois, ce ne sont que des assauts d’intelligence et d’esprit.