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Page:Emile Zola - Le Rêve.djvu/36

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poisson les étranglent, des coups de foudre les écrasent, leurs chars se brisent. Et les cachots des saints resplendissent tous, Marie et les apôtres y pénètrent à l’aise, au travers des murs. Des secours continuels, des apparitions descendent du ciel ouvert, où Dieu se montre, tenant une couronne de pierreries. Aussi la mort est-elle joyeuse, ils la défient, les parents se réjouissent, lorsqu’un des leurs succombe. Sur le mont Ararat, dix mille crucifiés expirent. Près de Cologne, les onze mille vierges se font massacrer par les Huns. Dans les cirques, les os craquent sous la dent des bêtes. À trois ans, Quirique, que le Saint-Esprit fait parler comme un homme, souffre le martyre. Des enfants à la mamelle injurient les bourreaux. Un dédain, un dégoût de la chair, de la loque humaine, aiguise la douleur d’une volupté céleste. Qu’on la déchire, qu’on la broie, qu’on la brûle, cela est bon ; encore et encore, jamais elle n’agonisera assez ; et ils appellent tous le fer, l’épée dans la gorge, qui seule les tue. Eulalie, sur son bûcher, au milieu d’une populace aveugle qui l’outrage, aspire la flamme pour mourir plus vite. Dieu l’exauce, une colombe blanche sort de sa bouche et monte au ciel.

À ces lectures, Angélique s’émerveillait. Tant d’abominations et cette joie triomphale la ravissaient d’aise, au-dessus du réel. Mais d’autres coins de la Légende, plus doux, l’amusaient aussi, les