Page:Emile Zola - Le Rêve.djvu/38

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et qu’il baise les poêles et les chaudrons, en croyant les embrasser. « Il yssit dehors tresnoir et treslaid et les vestements destrompus. Et quant les serviteurs qui lattendoient dehors le veirent ainsi attourné, si se penserent quil estoit tourné en dyable. Lors le battirent de verges et senfuyrent et le laisserent tout seul. » Mais où le fou rire la prenait, c’était lorsqu’on tapait sur le diable, Julienne surtout, qui, tentée par lui dans son cachot, lui administra une si extraordinaire raclée avec sa chaîne. « Lors commanda le prevost que Julienne fust amenée, et quant elle yssit elle trainoit le dyable après elle, et il pria disant : Ma dame Julienne, ne me faictes plus de mal. Si le traina ainsi par tout le marché, et après le jecta en une tres orde fosse. » Ou encore elle répétait aux Hubert, en brodant, des légendes plus intéressantes que des contes de fées. Elle les avait lues tant de fois, qu’elle les savait par cœur : la légende des Sept Dormants, qui, fuyant la persécution, murés dans une caverne, y dormirent trois cent soixante-dix-sept ans, et dont le réveil étonna si fort l’empereur Théodose ; la légende de saint Clément, des aventures sans fin, imprévues et attendrissantes, toute une famille, le père, la mère, les trois fils, séparés par de grands malheurs et finalement réunis, à travers les plus beaux miracles. Ses pleurs coulaient, elle en rêvait la nuit, elle revivait plus que dans ce monde tragique et triomphant du