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Page:Emile Zola - Le Rêve.djvu/57

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fleurs, de la foi aux symboles. Sous ses mains, la soie et l’or s’animaient, une envolée mystique élançait les moindres ornements, elle s’y livrait toute, avec son imagination en continuel éveil, sa croyance au monde de l’invisible. Certaines de ses broderies avaient tellement remué le diocèse de Beaumont, qu’un prêtre, archéologue, et un autre, amateur de tableaux, étaient venus la voir, en s’extasiant devant ses Vierges, qu’ils comparaient aux naïves figures des Primitifs. C’était la même sincérité, le même sentiment de l’au-delà, comme cerclé dans une perfection minutieuse des détails. Elle avait le don du dessin, un vrai miracle qui, sans professeur, rien qu’avec ses études du soir, à la lampe, lui permettait souvent de corriger ses modèles, de s’en écarter, d’aller à sa fantaisie, créant de la pointe de son aiguille. Aussi les Hubert, qui déclaraient la science du dessin nécessaire à une bonne brodeuse, s’effaçaient-ils devant elle, malgré leur ancienneté dans la partie. Et ils en arrivaient modestement à n’être plus que ses aides, à la charger de tous les travaux de grand luxe, dont ils lui préparaient les dessous.

D’un bout de l’année à l’autre, que de merveilles, éclatantes et saintes, lui passaient par les mains ! Elle n’était que dans la soie, le satin, le velours, les draps d’or et d’argent. Elle brodait des chasubles, des étoles, des manipules, des chapes, des dalmatiques, des mitres, des bannières, des voiles