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Page:Emile Zola - Le Rêve.djvu/61

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de trente mois, sans manquer de munitions ni de vivres. Depuis deux siècles, les églantiers disjoignaient les briques des pièces basses, les lilas et les cytises fleurissaient les décombres des plafonds effondrés, un platane avait grandi dans la cheminée de la salle des gardes. Mais, quand, au soleil couchant, la carcasse du donjon allongeait son ombre sur trois lieues de cultures, et que le château entier semblait se reconstruire, colossal dans les brumes du soir, on en sentait encore l’ancienne souveraineté, la force rude qui en avait fait l’imprenable forteresse dont tremblaient jusqu’aux rois de France.

— Et j’en suis sûre, continua Angélique, c’est habité par des âmes qui reviennent, la nuit. On entend toutes sortes de voix, il y a des bêtes partout qui vous regardent, et j’ai bien vu, en me retournant, lorsque nous sommes partis, de grandes figures blanches flotter au-dessus des murs… N’est-ce pas, mère, vous qui savez l’histoire du château ?

Hubertine eut un sourire placide.

— Oh ! des revenants, je n’en ai jamais vu, moi.

Mais, en effet, elle savait l’histoire, lue dans un livre, et elle dut la raconter de nouveau, sur les questions pressantes de la jeune fille.

Le territoire appartenait au siège de Reims, depuis saint Remi, qui le tenait de Clovis. Un