Page:Emile Zola - Le Rêve.djvu/72

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

les fréquente pas, ils sont vite punis… Et puis, voyez-vous, le monde, ça me produit de loin l’effet d’un grand jardin, oui ! d’un parc immense, tout plein de fleurs et de soleil. C’est si bon de vivre, la vie est si douce, qu’elle ne peut pas être mauvaise.

Elle s’animait, comme grisée par l’éclat des soies et de l’or.

— Le bonheur, c’est très simple. Nous sommes heureux, nous autres. Et pourquoi ? parce que nous nous aimons. Voilà ! ce n’est pas plus difficile… Aussi, vous verrez, quand viendra celui que j’attends. Nous nous reconnaîtrons tout de suite. Je ne l’ai jamais vu, mais je sais comment il doit être. Il entrera, il dira : Je viens te prendre. Alors, je dirai : Je t’attendais, prends-moi. Il me prendra, et ce sera fait, pour toujours. Nous irons dans un palais dormir sur un lit d’or, incrusté de diamants. Oh ! c’est très simple !

— Tu es folle, tais-toi ! interrompit sévèrement Hubertine.

Et, la voyant excitée, près de monter encore dans le rêve :

— Tais-toi ! tu me fais trembler… Malheureuse, quand nous te marierons à quelque pauvre diable, tu te briseras les os, en retombant sur la terre. Le bonheur, pour nous misérables, n’est que dans l’humilité et l’obéissance.

Angélique continuait de sourire, avec une obstination tranquille.