Page:Emile Zola - Le Ventre de Paris.djvu/185

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
185
LE VENTRE DE PARIS.

— Je voulais vous dire, vous feriez bien de conseiller à votre beau-frère d’être prudent. Ils crient des choses à faire trembler, dans ce cabinet. Les hommes, vraiment, ça n’est pas raisonnable, avec leur politique. Si on les entendait, n’est-ce pas ? ça pourrait très-mal tourner pour eux.

— Gavard fait ce qui lui plaît, soupira madame Lecœur. Il ne manque plus que ça. L’inquiétude m’achèvera, s’il se fait jamais jeter en prison.

Et une lueur parut dans ses yeux brouillés. Mais la Sarriette riait, secouant sa petite figure toute fraîche de l’air du matin.

— C’est Jules, dit-elle, qui les arrange, ceux qui disent du mal de l’empire… Il faudrait les flanquer tous à la Seine, parce que, comme il me l’a expliqué, il n’y a pas avec eux un seul homme comme il faut.

– Oh ! continua mademoiselle Saget, ce n’est pas un grand mal, tant que les imprudences tombent dans les oreilles d’une personne comme moi. Vous savez, je me laisserais plutôt couper la main… Ainsi, hier soir, monsieur Quenu disait…

Elle s’arrêta encore. Lisa avait eu un léger mouvement.

— Monsieur Quenu disait qu’il fallait fusiller les ministres, les députés, et tout le tremblement.

Cette fois, la charcutière se tourna brusquement, toute blanche, les mains serrées sur son tablier.

— Quenu a dit ça ? demanda-t-elle d’une voix brève.

— Et d’autres choses encore dont je ne me souviens pas. Vous comprenez, c’est moi qui l’ai entendu… Ne vous tourmentez donc pas comme ça, madame Quenu. Vous savez qu’avec moi, rien ne sort ; je suis assez grande fille pour peser ce qui conduirait un homme trop loin… C’est entre nous.

Lisa s’était remise. Elle avait l’orgueil de la paix honnête de son ménage, elle n’avouait pas le moindre nuage entre