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LE VENTRE DE PARIS.

pommes et les caisses d’oranges. Ils étaient libres et sans honte, comme les moineaux qui s’accouplent au bord d’un toit.

Ce fut dans la cave du pavillon aux volailles qu’ils trouvèrent moyen de coucher encore ensemble. C’était une habitude douce, une sensation de bonne chaleur, une façon de s’endormir l’un contre l’autre, qu’ils ne pouvaient perdre. Il y avait là, près des tables d’abattage, de grands paniers de plume dans lesquels ils tenaient à l’aise. Dès la nuit tombée, ils descendaient, ils restaient toute la soirée, à se tenir chaud, heureux des mollesses de cette couche, avec du duvet par-dessus les yeux. Ils traînaient d’ordinaire leur panier loin du gaz ; ils étaient seuls, dans les odeurs fortes des volailles, tenus éveillés par de brusques chants de coq qui sortaient de l’ombre. Et ils riaient, ils s’embrassaient, pleins d’une amitié vive qu’ils ne savaient comment se témoigner. Marjolin était très-bête. Cadine le battait, prise de colère contre lui, sans savoir pourquoi. Elle le dégourdissait par sa crânerie de fille des rues. Lentement, dans les paniers de plumes, ils en surent long. C’était un jeu. Les poules et les coqs qui couchaient à côté d’eux n’avaient pas une plus belle innocence.

Plus tard, ils emplirent les grandes Halles de leurs amours de moineaux insouciants. Ils vivaient en jeunes bêtes heureuses, abandonnées à l’instinct, satisfaisant leurs appétits au milieu de ces entassements de nourriture, dans lesquels ils avaient poussé comme des plantes tout en chair. Cadine, à seize ans, était une fille échappée, une bohémienne noire du pavé, très-gourmande, très-sensuelle. Marjolin, à dix-huit ans, avait l’adolescence déjà ventrue d’un gros homme, l’intelligence nulle, vivant par les sens. Elle découchait souvent pour passer la nuit avec lui dans la cave aux volailles ; elle riait hardiment au nez de la mère Chantemesse, le lendemain, se sauvant sous le balai dont la vieille tapait à tort et à travers dans la chambre, sans jamais atteindre la vau-